Le petit-fils a pu succéder à son grand-père
La faculté accordée au preneur de céder son bail à l’un de ses descendantsne doit pas nuire aux intérêts légitimes du bailleur.
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L’histoire
Paul avait consacré toute sa vie professionnelle à la mise en valeur d’une ferme de polyculture élevage, située au cœur du bocage normand. Il la louait au titre d’un bail que lui avait consenti André. Avec l’usure du temps, Paul avait envisagé de faire valoir son droit à une retraite bien méritée. Mais le bailleur avait devancé sa décision en lui délivrant un congé fondé sur l’âge. Paul avait alors, pour le principe, contesté le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux et demandé l’autorisation de céder le bail à son petit-fils.
Le contentieux
Le fermier avait consulté son centre de gestion. Celui-ci l’avait assuré du bien-fondé de sa demande. Le preneur évincé en raison de son âge tient des dispositions de l’article L. 411-64 du code rural la faculté de céder son bail à l’un de ses descendants ayant atteint l’âge de la majorité. Cette faculté ne doit pas nuire aux intérêts légitimes du bailleur, appréciés uniquement au regard de la bonne foi du cédant et des conditions de mise en valeur de l’exploitation par le cessionnaire éventuel.
En l’espèce, Paul n’avait rien à se reprocher. Il s’était comporté en preneur de bonne foi, ayant toujours rempli ses obligations nées du bail. Les fermages avaient été régulièrement payés à leur échéance et les parcelles louées ne souffraient d’aucun défaut d’entretien selon lui. Quant à l’aptitude de son petit-fils, elle était établie par le diplôme du BTSA et un plan d’emprunt auprès de la banque. Pour Paul, l’autorisation de cession du bail ne pouvait pas lui être refusée.
Mais André n’était pas d’accord. Des défauts d’entretien du fonds loué étaient établis par des constats d’huissier, dressés quelques mois avant l’échéance du bail. Ils décrivaient sur certaines parcelles la présence de haies vives non taillées, d’orties et de ronces, ainsi que des arbres de haut jet coupés sans autorisation. En outre, le petit-fils de Paul, qui conserverait son activité salariée, ne résiderait pas à proximité de la ferme et laisserait sa mère l’exploiter. Autant dire que pour lui, dans ces conditions, la demande de cession du bail ne pouvait être accueillie.
Mais les juges n’ont pas été convaincus. Les constats produits par André n’établissaient pas la preuve d’un défaut d’entretien durable de nature à constituer Paul de mauvaise foi. En outre, le transfert de la ferme donnait lieu au cumul d’une exploitation de quarante-trois hectares de cultures et d’une activité salariée à temps partiel, conforme à la réglementation, de sorte que les intérêts légitimes du propriétaire étaient préservés. La cession du bail devait dès lors être autorisée selon eux. Un jugement que la Cour suprême a confirmé, en rejetant le pourvoi d’André en l’absence de violation de l’article L. 411-35 du code rural.
L’épilogue
Le petit-fils pourra mettre en valeur la ferme du grand-père. La transmission du bail au sein du cercle de famille constitue une importante dérogation au principe de son incessibilité consacré par le statut du fermage. Il s’agit de favoriser la cession familiale de l’exploitation, qui correspond toujours au modèle dominant.
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